Certaines périodes de la vie comme le grand âge, ou certaines pathologies (Alzheimer, Accidents Vasculaires Cérébraux, Parkinson,…) peuvent générer des difficultés associées à l’utilisation des couverts au moment des repas. Le risque est d’entraîner des apports alimentaires qui sont insuffisants. Ou même d’aboutir jusqu’à une dénutrition : quand les apports alimentaires ne couvrent pas les besoins de l’organisme.

Il faut tout faire pour l’éviter, car la dénutrition peut conduire à des infections, des chutes… Effectivement, agir le plus tôt possible est important. Trop souvent, même si c’est avec une bonne intention, on propose une aide à la personne pour se nourrir. Et s’il existait une autre solution, facilement accessible et peu coûteuse, qui permettrait de préserver au mieux l’autonomie ? Cette solution c’est le manger mains, elle est intuitive, mais nécessite un peu de préparation.

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Depuis quand mange-t-on avec une fourchette ?

L’utilisation de la fourchette est très récente en France. Son usage, d’abord adopté par la Cour de France, ne s’est que largement développé au cours des 18ème et 19ème siècles. Dans d’autres pays, on préfère l’utilisation des baguettes. Certaines cultures conservent toutefois une proximité avec la nourriture. La main reste l’ustensile dont l’utilisation est la plus répandue ! Plus de 3 milliards de personnes dans le monde mangent avec la main !

En France, il est également fréquent de picorer au cours d’apéritifs dinatoires, de pique-niques, ou en mangeant certains aliments (sandwich, cuisses de poulet, frites…). Toutefois, manger avec les mains en dehors de ces contextes est parfois mal perçu. On entendra : « c’est sale », « ça ne se fait pas » ! Si vous optez pour cette méthode à la maison, il faudra sans doute en discuter avec les membres de l’entourage.

Parfois, on peut vivre le fait de ne plus utiliser de couverts comme une régression aux yeux des proches. Pourtant cette méthode permet de faciliter le quotidien. Pour plus de liberté, on peut aussi choisir de servir le repas avec les couverts. On se laisse ainsi le choix au jour le jour d’utiliser les mains ou les couverts. On limite ainsi la stigmatisation au cours du repas.

Manger mains, quésaco ?

Le manger mains est une solution qui a été développée par le Professeur Henri RAPIN au début des années 2000. Il propose une alimentation qui favorise l’autonomie et le plaisir de manger auprès des patients avec une maladie d’Alzheimer ayant une alimentation insuffisante. Il s’agit d’une alimentation dont la forme et la consistance permettent de la manger avec les doigts.

On peut proposer cette méthode aux personnes qui ont des difficultés pour utiliser les couverts (fourchettes, couteaux, cuillères) ou pour les reconnaitre.

Au quotidien, cette technique peut aider les personnes qui sont dans l’incapacité de se nourrir seules. Par exemple à certains stades de maladies dégénératives, entraînant des troubles psychomoteurs. Comme les maladies de Parkinson, d’Alzheimer et autres maladies avec un syndrome démentiel. Mais cela est également à envisager au cas par cas.

Quelques indices peuvent nous donner des repères pour savoir si le manger mains pourrait aider une personne :

  • Utilise spontanément des doigts ;
  • Joue avec la nourriture ;
  • A l’air de ne pas savoir comment utiliser ses couverts ;
  • Se lève, ne reste pas assise à table et déambule ;
  • N’est pas capable d’utiliser ses couverts ;
  • N’ouvre pas la bouche quand on lui propose de la nourriture ;
  • Ne s’alimente que si on la stimule.

Apéritif dinatoire, pique-nique ? On connait bien ! Mais alors pourquoi se préparer au manger mains ?

Vouloir transposer les repas picorés en repas manger mains peut s’avérer risqué. En effet, certains aliments sont à risque de fausses routes. Notamment les aliments petits, ronds et durs (tomates cerises, saucisses type knack…). Ou encore les aliments plats et qui collent au palais. L’utilisation des pics à brochettes peut également être dangereuse. Il y a donc certaines questions à se poser, et pourquoi pas certains professionnels à consulter pour s’outiller (diététicien, ergothérapeute…).

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Le manger mains au quotidien :

  • Pas forcément à table ! Pour les personnes qui déambulent, on peut proposer les préparations alimentaires sur une table placée stratégiquement sur le circuit de déambulation de la personne. L’objectif est de lui offrir une stimulation pour l’encourager à manger. Avec cette solution, il conviendra de rester vigilant à l’hygiène alimentaire. Il ne faudra pas laisser trop longtemps les préparations à température ambiante. Puis aussi proposer un lavage des mains régulier et éviter que le chat aille se servir !
  • Midi ? Seize heures ? Vingt heures ?  Pas forcément ! Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, il n’est pas simple de maintenir des repères dans la journée. Mais proposer des repas réguliers tous les 3 à 4 heures permet de favoriser la couverture des besoins journaliers. On peut ainsi proposer 4 voir 6 prises alimentaires au quotidien.
  • Quels types de préparations ? Les préparations sucrées sont un levier intéressant pour stimuler la prise alimentaire. Lire ici les conseils pour stimuler l’envie et la faim. L’idéal est de varier les bouchées et leurs couleurs.
  • Surveiller la température : éviter les brûlures en proposant des préparations qui ne soient pas trop chaudes.

Quoi proposer en manger mains ?

Si la personne a la capacité de mastiquer des aliments, on propose des bouchées qui ne sont pas trop dures, en textures normales mais fondantes :

  • bâtonnets de légumes cuits,
  • fleurettes de brocolis,
  • grosses pâtes,
  • viande effilochée,
  • quiches,
  • boulettes,
  • muffins salés ou sucrés,
  • pains de poissons,
  • roulade de jambon,
  • crêpes,
  • gros morceaux de légumes ou fruits crus suffisamment mûrs,
  • fromages coupés ou tartinés,
  • cakes,
  • rillettes de sardines …

Si la personne n’a pas la capacité de mastiquer ou si elle fait des fausses routes : les bouchées ont une texture adaptée. On hache, ou mixe, les aliment puis on les texture en boulette, quenelles… On peut utiliser de la gélatine pour les bouchées consommées froides. Pour les bouchées consommées chaudes, on utilise de l’œuf, de la maïzena, de l’agar-agar…

Des études réalisées sur les préparations en manger mains ont montré que la forme des bouchées n’influence pas la consommation. En revanche, les couleurs attrayantes et la présence de sauce pour tremper les bouchées encourage très souvent la prise alimentaire.

Quelles aides techniques pour faciliter le quotidien ?

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Certains outils peuvent faciliter la prise alimentaire au quotidien. C’est le cas des assiettes à ventouses, qui évitent le glissement. Il en existe des compartimentées, ce qui permet de séparer les différentes préparations. Vous pouvez ensuite réaliser une composition attrayante en jouant sur les contrastes des couleurs. Il existe même des ventouses qui sont universelles. Elles s’adaptent à quasiment tout type d’assiette ! Elles permettront de manger sans risque de casse dans cette magnifique assiette en porcelaine de ce service hérité de votre famille que vous aimez tant !

Les plateaux anti-dérapants sont également intéressants, particulièrement si vous optez pour le manger mains pour une personne qui déambule.

Pour éviter les aliments « sauteurs », qui essaient parfois de s’échapper, il existe également des assiettes à rebord. La butée de l’assiette va faciliter la préhension des bouchées. Un petit bol à côté de l’assiette est pratique pour tremper la bouchée dans une sauce.

Quelques conseils en manger mains :

  • Le manger mains se prête tout particulièrement au batchcooking. Le principe est de préparer quelques plats à l’avance et décongeler les bouchées au fur et à mesure que vous les proposer. On peut investir dans des moules (muffins, madeleines, cannelés) et on peut aussi utiliser des bacs à glaçons. Les préparations peuvent se conserver 1 à 2 mois dans le congélateur. Cette astuce permet de proposer quotidiennement des bouchées de couleurs différentes.
  • Tenir compte des goûts de la personne, mais pas que ! Proposer des saveurs appréciées encourage la prise alimentaire. Mais la maladie d’Alzheimer peut parfois réserver quelques surprises… Certains aliments que la personne n’appréciait pas jusqu’à présents peuvent le devenir car présentés sous une forme différente.
  • Varier le plus possible pour éviter de rester trop souvent sur des préparations à base d’œuf.
  • Attention : Le manger mains permet de faciliter la prise alimentaire mais il faut également veiller à une hydratation suffisante ! Le manger mains n’exclue pas de proposer des potages (pas trop chauds) ! Ou encore des soupes froides qui contribuent à la couverture des besoins hydriques.

Combien de bouchées proposer ?

L’idéal est de proposer à chaque repas quelques bouchées contenant :

  • Des fruits et ou des légumes ;
  • Des féculents (produits céréaliers ou légumes secs) ;
  • Un produit laitier ;
  • Des matières grasses (beurre, huile…).

Au moins une fois par jour : de la viande, du poisson ou des œufs.

Le nombre de bouchées à proposer varie en fonction de leur taille et de leur composition. Plus vous assurerez la variété des bouchées, plus vous aurez des chances de couvrir les besoins nutritionnels. Puis, pour mettre toutes les chances de votre côté, vous pouvez enrichir les bouchées que vous cuisinez en y ajoutant de la poudre de lait écrémé.

Pour en savoir + : vous pouvez télécharger gratuitement le guide pratique Manger mains pour une mise en œuvre à domicile en cliquant ici

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